La chute des ventes de Tesla n’est-elle vraiment due qu’à Elon Musk ?
Une nouvelle étude révèle l’ampleur des dégâts causés par les prises de position politiques d’Elon Musk sur les performances commerciales […]
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Le géant mondial de la location de véhicules vient de tourner une page douloureuse de son histoire récente. Après des mois d’efforts acharnés, Hertz a finalement réussi à se débarrasser des 30 000 voitures électriques qui plombaient ses comptes. Une opération qui marque l’épilogue d’une stratégie d’électrification ambitieuse mais désastreuse, ayant généré une perte colossale de près de 3 milliards d’euros (2,9 milliards de dollars exactement) pour l’exercice 2024. Retour sur un fiasco industriel qui pourrait bien servir de cas d’école dans les années à venir.
En 2021, Hertz faisait les gros titres en annonçant avec fracas l’acquisition de 100 000 véhicules électriques, majoritairement des Tesla Model 3, pour moderniser sa flotte mondiale. L’investissement pharaonique de 4,2 milliards de dollars devait positionner l’entreprise comme précurseur dans la transition énergétique du secteur. La réalité du marché s’est avérée bien différente des projections initiales.
Les problèmes ont commencé à s’accumuler rapidement. La dépréciation vertigineuse de la valeur des Tesla a constitué le premier choc. Entre 2021 et 2023, les Model 3 ont subi une dévalorisation de près de 50% sur le marché de l’occasion, conséquence directe des baisses de prix successives pratiquées par le constructeur sur ses véhicules neufs. Cette situation a généré un effet domino désastreux sur la valeur résiduelle de la flotte du loueur.
Face à cette situation critique, la direction de Hertz a multiplié les initiatives pour se séparer de ces actifs toxiques. La société a même adopté des méthodes commerciales inhabituelles, proposant directement ses véhicules à ses propres clients locataires. Certains se sont ainsi vu offrir des opportunités d’achat à prix cassés : une Tesla Model 3 de 2023 affichant 30 000 km au compteur pour 17 913 dollars seulement, ou encore une Polestar 2 bradée à 28 500 dollars.
Au-delà de la dépréciation des véhicules, plusieurs facteurs moins médiatisés ont contribué à transformer ce pari en gouffre financier. L’entretien s’est révélé significativement plus coûteux que les prévisions les plus pessimistes.
La disparité géographique de l’infrastructure de recharge a également posé d’importants problèmes logistiques. Dans certaines régions des États-Unis, les clients se sont retrouvés confrontés à une anxiété liée à l’autonomie, générant insatisfaction et annulations. Cette situation a contraint Hertz à concentrer sa flotte électrique dans quelques zones urbaines bien équipées, réduisant drastiquement la flexibilité opérationnelle de l’entreprise.
Le désastre financier vécu par Hertz est révélateur des défis structurels qui persistent sur le marché des véhicules électriques. L’expérience du loueur américain met en lumière le décalage entre les ambitions affichées par les entreprises et la réalité du terrain.
L’absence de standardisation des systèmes de recharge, la volatilité des prix des véhicules et les coûts cachés liés à l’entretien constituent autant d’obstacles à une adoption massive. De plus, le ralentissement de la croissance des ventes de voitures électriques observé en 2024 sur plusieurs marchés clés suggère que nous approchons d’un plateau d’adoption pour les utilisateurs les plus motivés.
Cette situation se reflète dans les chiffres. Selon les dernières données, le taux de pénétration des véhicules électriques dans les flottes d’entreprises reste limité. Une étude récente révèle que de nombreuses grandes entreprises n’ont toujours pas intégré de voitures électriques dans leurs commandes, privilégiant une approche plus graduelle ou hybride.
Malgré cette expérience traumatisante, Hertz affirme ne pas abandonner complètement sa vision d’une flotte partiellement électrifiée. L’entreprise adopte désormais une approche plus pragmatique et régionalisée de l’électrification.
La nouvelle stratégie repose sur une allocation géographique ciblée des véhicules électriques restants dans le parc. Les zones à forte adoption comme la Californie, où l’infrastructure de recharge est développée et la demande soutenue, accueilleront une proportion plus importante de véhicules électriques. À l’inverse, les régions où les infrastructures sont insuffisantes verront leur offre électrique réduite au minimum.
Cette approche sur mesure permettra à Hertz de répondre aux attentes variées de sa clientèle tout en minimisant les risques financiers. Elle s’accompagne d’une diversification des modèles proposés, avec l’intégration progressive de véhicules hybrides offrant un compromis entre performance environnementale et facilité d’utilisation.
Gil West, PDG de Hertz, tente de rassurer investisseurs et partenaires en affirmant que les “changements organisationnels” et la “nouvelle équipe de direction” positionnent désormais l’entreprise sur la voie du redressement. Pourtant, les marchés financiers restent prudents : l’action de Hertz a subi une chute de 11% après l’annonce des résultats catastrophiques, avant de se stabiliser légèrement.
Cette crise pourrait bien redéfinir l’approche du secteur entier face à l’électrification. Les concurrents de Hertz analysent minutieusement ce cas d’école pour éviter de répéter les mêmes erreurs. Enterprise et Avis ont déjà revu leurs plans d’investissement dans les flottes électriques, privilégiant une transition plus progressive et mieux calibrée.
L’expérience douloureuse de Hertz révèle qu’une transition énergétique réussie ne peut se faire dans la précipitation. Elle nécessite une analyse fine des besoins clients, une évaluation précise des coûts totaux de possession et une prise en compte réaliste de l’évolution des infrastructures. Les prochaines années seront cruciales pour déterminer si l’électrification massive des flottes de location était simplement prématurée ou fondamentalement inadaptée au modèle économique du secteur.
En définitive, cette mésaventure financière rappelle que les grands virages technologiques requièrent pragmatisme et progressivité, loin des effets d’annonce et des objectifs trop ambitieux dictés par l’air du temps. Pour les acteurs du secteur comme pour les consommateurs, la leçon est claire : la transition vers la mobilité électrique doit être abordée avec réalisme et méthode.
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