Les voitures électriques allemandes regardent vers le passé pour inventer l’avenir
Dans un contexte mondial marqué par les incertitudes technologiques et environnementales, les constructeurs allemands premium adoptent une stratégie surprenante : […]
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Dans le monde des constructeurs de véhicules électriques, deux géants se disputent le leadership technologique : l’américain Tesla et le chinois BYD. Si leurs voitures font l’objet de nombreuses comparaisons, leurs batteries – véritables cœurs de ces véhicules – restaient jusqu’à présent entourées d’un voile de mystère. Une équipe de chercheurs allemands vient de lever ce voile avec une étude qui révèle les secrets de fabrication de ces composants essentiels.
Une équipe de chercheurs de l’Université RWTH d’Aix-la-Chapelle s’est lancée dans un projet audacieux : démonter et analyser en profondeur les batteries de Tesla et BYD pour comprendre leurs différences fondamentales. Cette initiative était nécessaire car, comme le souligne Achim Kampker, directeur du projet au sein du PEM (Production Engineering of E-Mobility Components), “les deux constructeurs ont toujours gardé confidentielles les caractéristiques précises de leurs batteries“.
L’étude publiée le 6 mars dans la prestigieuse revue Cell Reports Physical Science dévoile des résultats qui bouleversent certaines idées reçues. Les chercheurs ont examiné une batterie provenant d’un Tesla Model Y de 2022 et une batterie Blade de BYD achetée auprès d’un distributeur chinois. L’analyse a porté sur tous les aspects : construction mécanique, dimensions, propriétés électriques et thermiques, composition des électrodes, coûts des matériaux et processus d’assemblage.
L’analyse révèle que Tesla et BYD ont adopté des approches distinctes dans la conception de leurs batteries. Tesla, avec ses cellules 4680, privilégie clairement la densité énergétique maximale, tandis que BYD mise sur l’efficacité volumétrique et la rentabilité des matériaux pour ses batteries Blade.
Cette différence de philosophie se traduit par des caractéristiques techniques bien distinctes :
Cette différence de coût s’explique principalement par le choix des matériaux utilisés pour la cathode. BYD utilise la technologie LFP (Lithium Fer Phosphate), moins onéreuse, tandis que Tesla opte pour la technologie NMC811 (Nickel Manganèse Cobalt), plus coûteuse mais offrant une meilleure densité énergétique.
Le professeur Heiner Heimes, membre du PEM, souligne que “la batterie BYD se révèle plus efficace notamment grâce à une gestion thermique simplifiée“. Cette approche permet au constructeur chinois de réduire les coûts tout en maintenant des performances satisfaisantes pour son marché cible.
L’une des révélations les plus étonnantes de cette étude concerne la composition des anodes. Le professeur Heimes note : “Nous avons été surpris par l’absence totale de silicium dans les anodes des deux batteries, particulièrement dans celle de Tesla.” Cette découverte est significative car le silicium est généralement considéré comme un matériau clé pour augmenter la densité énergétique des batteries.
Les chercheurs ont également été étonnés par les méthodes d’assemblage utilisées. Contrairement aux pratiques courantes du secteur qui privilégient le soudage par ultrasons, Tesla et BYD ont tous deux opté pour une technique inhabituelle de soudage au laser pour assembler les feuilles minces des électrodes.
| Caractéristique | Tesla (4680) | BYD (Blade) |
|---|---|---|
| Chimie | NMC811 | LFP |
| Densité énergétique (masse) | 241,01 Wh/kg | 160 Wh/kg |
| Densité énergétique (volume) | 643,3 Wh/l | 355,26 Wh/l |
| Coût estimé | 36 €/kWh | 25 €/kWh |
| Utilisation de silicium | Non | Non |
| Méthode d’assemblage | Soudage laser | Soudage laser |
Autre point notable, les deux fabricants ont développé des batteries aux comportements très différents en termes de charge et de décharge. L’étude révèle “des nuances significatives dans la vitesse à laquelle elles peuvent être chargées ou déchargées par rapport à leur capacité maximale”, ce qui impacte directement l’expérience utilisateur et les cas d’usage des véhicules.

Ces découvertes ne sont pas seulement intéressantes d’un point de vue technique – elles ont des implications profondes pour l’industrie automobile et les consommateurs. La différence de 11 euros par kilowattheure entre les deux technologies représente des millions d’euros à l’échelle d’une production de masse.
Pour les acheteurs potentiels de véhicules électriques, ces résultats permettent de mieux comprendre les différences entre les voitures Tesla et BYD. Si les Tesla offrent généralement une plus grande autonomie et des performances supérieures grâce à leur haute densité énergétique, les BYD peuvent se prévaloir d’un rapport qualité-prix avantageux et d’une conception optimisée pour la production à grande échelle.
Cette étude confirme également que l’innovation dans le domaine des batteries suit des chemins parallèles. D’un côté, Tesla pousse les limites de la densité énergétique pour maximiser l’autonomie. De l’autre, BYD travaille à rendre sa technologie plus accessible et plus rentable. Les deux approches contribuent à faire avancer la mobilité électrique, mais avec des priorités différentes.
L’analyse des chercheurs allemands soulève une question fascinante : assistons-nous à une divergence durable entre deux écoles de pensée ou verrons-nous une convergence des technologies à mesure que le marché évolue?
Alors que Tesla continue d’affiner sa technologie 4680, BYD investit massivement dans sa production de batteries Blade. Cette compétition technologique pourrait accélérer les innovations et, à terme, bénéficier aux consommateurs grâce à des batteries plus performantes et moins coûteuses.
Les deux constructeurs pourraient également s’inspirer mutuellement de leurs forces respectives. Tesla pourrait adopter certaines des approches de BYD pour réduire ses coûts, tandis que BYD pourrait chercher à améliorer la densité énergétique de ses batteries pour concurrencer Tesla sur le segment premium.
Cette étude ouvre une fenêtre rare sur les stratégies industrielles de deux leaders mondiaux. Elle démontre que, malgré la confidentialité qui entoure habituellement ces technologies, la science peut encore nous révéler les secrets des innovations qui façonnent notre futur. Les choix techniques de Tesla et BYD aujourd’hui détermineront non seulement leur succès commercial demain, mais aussi l’évolution de toute l’industrie des véhicules électriques pour les années à venir.
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