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L’Allemagne sur le point de perdre 200 000 emplois à cause de la voiture électrique

Philippe Moureau

L’industrie automobile allemande, fleuron de l’économie du pays, se trouve à un tournant crucial. La transition vers la mobilité électrique, bien que nécessaire pour répondre aux enjeux environnementaux, soulève de sérieuses inquiétudes quant à son impact sur l’emploi. Une étude récente de la VDA (Verband der Automobilindustrie) met en lumière les défis considérables auxquels le secteur devra faire face dans les années à venir.

Une transformation radicale du paysage de l’emploi

L’étude de la VDA révèle une réalité alarmante : d’ici 2035, l’Allemagne pourrait perdre près de 200 000 emplois dans le secteur automobile. Cette projection s’explique par la nature même de la production de véhicules électriques, qui nécessite moins de main-d’œuvre que la fabrication de voitures thermiques traditionnelles.

Les métiers les plus touchés par cette évolution seront ceux liés à la mécanique, à l’ingénierie industrielle et à la métallurgie. Ces domaines, piliers historiques de l’industrie automobile allemande, voient leur importance diminuer progressivement face à l’essor des nouvelles technologies.

En revanche, certains secteurs connaissent une croissance significative :

  • La recherche et développement
  • L’informatique
  • L’électronique
  • Le développement de logiciels
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Ces domaines deviennent cruciaux dans la conception et la production de véhicules électriques, créant ainsi de nouvelles opportunités d’emploi.

Les défis de la reconversion professionnelle

Face à ce bouleversement, la formation continue au sein des entreprises apparaît comme un enjeu majeur. Les constructeurs allemands doivent rapidement adapter les compétences de leurs employés pour répondre aux nouvelles exigences du marché.

La capacité à attirer et recruter des travailleurs qualifiés dans les domaines émergents devient également un facteur clé de succès. Sur ce point, l’industrie automobile allemande semble avoir pris la mesure du défi : depuis 2013, les postes dans les ressources humaines ont connu une augmentation de 36%.

Malgré ces efforts, le bilan de l’emploi dans le secteur reste préoccupant. Entre 2019 et 2023, le solde était déjà négatif, et cette tendance risque de s’accélérer dans les années à venir.

L’incertitude du marché et le rôle des politiques publiques

L’ampleur réelle de l’électrification du parc automobile reste sujette à de nombreuses incertitudes. Plusieurs facteurs peuvent influencer cette transition :

  • La pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans certains domaines techniques
  • L’évolution des politiques publiques en matière de mobilité et d’environnement
  • La compétitivité internationale du secteur automobile allemand

Le cadre politique joue un rôle crucial dans cette équation. Les décisions prises au niveau national et européen peuvent soit accélérer, soit freiner la transition vers l’électrique, avec des conséquences directes sur l’emploi.

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Hildegard Müller, présidente de la VDA, souligne l’ampleur du défi : “La transformation de notre secteur est une tâche gigantesque. Les entreprises allemandes et leurs employés mettent tout en œuvre pour qu’elle réussisse.”

Des investissements massifs pour rester dans la course

Pour faire face à cette transition, l’industrie automobile allemande prévoit des investissements colossaux :

  • 280 milliards d’euros dans la recherche et le développement
  • 130 milliards d’euros pour la conversion des usines

Ces sommes astronomiques témoignent de la détermination du secteur à maintenir sa position de leader mondial. Néanmoins, elles ne suffiront pas à éviter totalement les pertes d’emplois.

La compétitivité de l’industrie allemande est également mise à mal par des coûts énergétiques élevés. Les prix de l’électricité pour les entreprises allemandes sont jusqu’à trois fois supérieurs à ceux de leurs concurrents américains ou chinois.

L’appel à un soutien politique et financier

Face à ces défis, la VDA réclame un soutien accru des pouvoirs publics. L’association estime que le cadre politique et les subventions joueront un rôle déterminant dans le maintien des investissements et des emplois en Allemagne.

Parmi les mesures réclamées, on trouve :

  • Des prix de l’énergie plus compétitifs
  • Une réduction de la bureaucratie
  • Des procédures administratives simplifiées et accélérées
  • Un système fiscal plus avantageux
  • La multiplication des accords de libre-échange
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Ces demandes soulignent l’urgence de la situation et la nécessité d’une action coordonnée entre le secteur privé et les autorités publiques.

Les premiers signes d’une crise imminente

Les difficultés annoncées commencent déjà à se matérialiser. Le groupe Volkswagen, géant de l’industrie automobile allemande, fait face à des défis majeurs :

  • La fermeture de l’usine Audi à Bruxelles
  • La menace pesant sur plusieurs sites de production en Allemagne
  • La perspective de 30 000 suppressions d’emplois dans les années à venir
  • L’abandon de plusieurs projets en développement

Pour tenter de limiter l’impact financier, Volkswagen a annoncé des mesures drastiques :

  • Une réduction des salaires de 10%
  • Un gel des salaires pour 2025 et 2026
  • Un objectif d’économies de 4 milliards d’euros

D’autres constructeurs, comme Mercedes, rencontrent également des difficultés. Malgré le développement d’une gamme étendue de véhicules électriques, les ventes peinent à décoller, comme en témoigne la baisse enregistrée au troisième trimestre 2024.

La transition vers la mobilité électrique représente un défi sans précédent pour l’industrie automobile allemande. Si elle offre des opportunités en termes d’innovation et de nouveaux métiers, elle menace également de bouleverser profondément le marché de l’emploi. L’avenir du secteur dépendra de la capacité des entreprises à s’adapter rapidement, mais aussi du soutien que les pouvoirs publics seront prêts à apporter pour faciliter cette transition. L’enjeu est de taille : préserver la compétitivité d’une industrie emblématique tout en répondant aux impératifs environnementaux de notre époque.

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