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Renault freine sur le tout électrique : précaution ou manque de vision ?

François Zhang-Ming

L’industrie automobile traverse une période charnière. Alors que l’Europe fixe un cap ambitieux vers le tout électrique d’ici 2035, certains constructeurs, dont Renault, tirent la sonnette d’alarme. Luca de Meo, PDG du groupe français, appelle à plus de flexibilité dans cette transition qui s’annonce plus complexe que prévu. Mais cette position est-elle justifiée ou risque-t-elle de freiner l’innovation ?

Le paradoxe Renault : pionnier de l’électrique qui demande du temps

Renault, pourtant pionnier de la mobilité électrique avec sa Zoe, semble aujourd’hui plus prudent. Luca de Meo estime qu’il faudra au moins 20 ans pour achever une transformation complète vers l’électrique, soit deux fois plus que le délai fixé par l’UE. Cette déclaration surprenante soulève de nombreuses questions.

Pourquoi tant de prudence ? La réalité du marché offre quelques éléments de réponse :

  • L’infrastructure de recharge, bien qu’en expansion rapide, reste insuffisante notamment au niveau des copropriétés pour une recharge à domicile d’une majorité de la population
  • Les coûts de production des véhicules électriques, en baisse, demeurent élevés
  • L’adoption par les consommateurs n’est pas aussi rapide qu’espérée
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Ces défis sont réels, mais justifient-ils pour autant un tel ralentissement ? Certains experts craignent que cette approche ne soit qu’un moyen de protéger les investissements dans les technologies thermiques au détriment de l’innovation électrique.

La menace chinoise : un argument de poids ou une excuse ?

Un autre élément vient compliquer l’équation : la concurrence chinoise. Luca de Meo pointe du doigt l’avance prise par les constructeurs du géant asiatique dans le domaine de l’électrique. “Ce que les Chinois peuvent faire ne peut pas être réalisé en Europe”, déplore-t-il, faisant notamment référence à la capacité des constructeurs chinois à partager technologie et investissements.

Cette remarque soulève une question épineuse : l’Europe peut-elle rivaliser avec la Chine dans la course à l’électrique sans adapter sa stratégie ? La réponse de Renault semble être négative. Mais n’est-ce pas là une forme de défaitisme ?

Il est vrai que les constructeurs chinois ont pris une avance considérable, notamment grâce à des investissements massifs dans la R&D des batteries, une intégration verticale de la chaîne de production et un soutien gouvernemental fort. Cependant, l’Europe possède ses propres atouts, comme une expertise historique en ingénierie automobile et un marché mature. Plutôt que de freiner, ne devrait-elle pas accélérer pour combler son retard ?

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L’appel à la diversité technologique

Luca de Meo plaide pour une “ouverture technologique”. Concrètement, cela signifie ne pas fermer la porte aux autres alternatives comme les véhicules hybrides ou les moteurs fonctionnant aux carburants synthétiques (e-fuels). “Quand on joue à la roulette, il ne faut pas tout miser sur une seule couleur”, image-t-il.

Cette approche multi-technologique n’est pas sans rappeler la stratégie de certains constructeurs japonais. Elle présente certes des avantages :

  • Une transition plus progressive, potentiellement moins coûteuse
  • Une adaptation aux disparités régionales (zones rurales vs urbaines)
  • Un maintien de l’expertise dans diverses technologies

Mais cette stratégie comporte aussi des risques. En dispersant les efforts et les investissements, l’Europe pourrait perdre en compétitivité face à des concurrents qui ont fait le pari du tout électrique. De plus, certains experts argumentent que les e-fuels et l’hybride ne sont que des solutions transitoires qui retardent l’inévitable passage à l’électrique pur.

Les défis de l’industrie européenne : collaborer pour innover

L’interview de Luca de Meo révèle également l’échec d’une collaboration prévue avec Volkswagen pour développer une voiture électrique abordable. Cet épisode est symptomatique des difficultés rencontrées par les constructeurs européens pour unir leurs forces face aux défis de l’électrification.

“Pour moi personnellement, cela aurait été un symbole fort si deux grandes entreprises européennes traditionnelles avaient uni leurs forces dans cette révolution”, confie De Meo. Cette occasion manquée souligne la nécessité pour l’industrie automobile européenne de repenser ses modes de collaboration pour rester compétitive.

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Pourtant, des exemples de collaborations réussies existent. En effet, l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi dans le développement de plateformes communes a très bien fonctionné jusqu’à maintenant, tout comme le partenariat PSA-Total dans la production de batteries et la joint-venture de BMW et Daimler dans les services de mobilité.

Ces initiatives montrent que l’industrie européenne est capable de s’unir quand les enjeux sont cruciaux.

Vers une approche équilibrée : innovation et réalisme

En fin de compte, l’appel de Luca de Meo à plus de flexibilité n’est pas un rejet de la transition vers l’électrique, mais plutôt une invitation à adopter une approche plus nuancée et réaliste. Le PDG de Renault reste convaincu que l’électrification des automobiles fait partie du progrès. Cependant, il souligne que ce progrès doit se faire de manière réfléchie et adaptée aux réalités du marché.

Pour réussir cette transition, plusieurs points clés sont à considérer :

  • Réduire les coûts de production des véhicules électriques
  • Étendre l’infrastructure de recharge plus rapidement
  • Rendre l’électricité verte plus abordable
  • Investir massivement dans la R&D des batteries
  • Former la main-d’œuvre aux nouvelles technologies

Ces défis ne peuvent être relevés du jour au lendemain, d’où l’appel à un calendrier plus souple. Mais attention à ne pas confondre prudence et immobilisme. L’industrie automobile européenne doit trouver le juste équilibre entre réalisme économique et ambition technologique.

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