Les véhicules autonomes fascinent depuis longtemps le grand public et l’industrie automobile. Alors que l’attention se porte souvent sur les voitures particulières, un autre segment fait l’objet d’intenses recherches : les camions autonomes. Contrairement aux idées reçues, leur développement s’avère bien plus complexe qu’initialement prévu.
Le défi inattendu des camions sans chauffeur
On pourrait penser que les camions autonomes seraient plus simples à mettre en œuvre que les voitures particulières. Après tout, les longues portions d’autoroute semblent un terrain idéal pour l’autonomie, loin des rues encombrées des villes. Cette hypothèse, largement répandue, s’est révélée erronée.
Chris Urmson, PDG d’Aurora Innovation Inc., une entreprise leader dans le domaine des camions autonomes, explique : “L’imagination est plus facilement captivée par l’espace des robotaxis. C’est un domaine dans lequel j’ai longtemps travaillé et auquel les gens peuvent se connecter d’une manière qu’ils ne font pas vraiment avec le transport routier longue distance.”
Aurora Innovation Inc. est actuellement en phase de test avec des camions autonomes sur les routes américaines dans un premier temps. L’entreprise a récemment levé près de 500 millions de dollars en prévision du lancement commercial de sa technologie d’ici la fin de l’année. Malgré l’expertise de son équipe, composée de vétérans de Waymo (Google), Uber et Tesla, le chemin vers l’autonomie s’est révélé semé d’embûches.
Urmson souligne que de nombreuses entreprises se sont lancées dans le transport routier autonome en pensant que ce serait plus simple que les voitures particulières. “Elles se sont dit : ‘Oh, on va juste faire du camionnage. C’est tellement plus facile parce que, vous savez, les autoroutes sont droites et il ne s’y passe pas grand-chose.’ Il s’avère qu’elles étaient mal informées.”
Les défis spécifiques aux camions autonomes incluent :
La distance de freinage : un camion de 32 tonnes à pleine charge roulant à 90 km/h nécessite plus de 100 mètres pour s’arrêter, contre seulement 50 mètres pour une voiture.
L’énergie cinétique considérable impliquée dans le déplacement d’un véhicule aussi lourd à grande vitesse.
La nécessité de prédire et anticiper les obstacles sur une distance bien plus importante qu’en milieu urbain.
Pour relever ces défis, Aurora a développé son propre système LIDAR, capable de “voir beaucoup plus loin que ce que peuvent voir les acteurs du secteur des robotaxis”, selon Urmson.
Le cadre réglementaire : un obstacle majeur
Au-delà des défis techniques, le secteur des véhicules autonomes dans son ensemble fait face à un obstacle de taille : la réglementation. Actuellement, les lois régissant les voitures sans conducteur, les robotaxis et les camions d’essai varient d’un État à l’autre aux États-Unis.
Urmson explique qu’Aurora peut techniquement opérer dans 44 États américains. Néanmoins, s’agissant d’un problème de commerce inter-États, il plaide pour l’établissement d’une norme fédérale appropriée pour cette technologie. Ce manque d’harmonisation réglementaire explique en partie pourquoi les services de robotaxis comme Waymo et Cruise ne fonctionnent que dans certains endroits spécifiques.
De même, le système automatisé de niveau 3 de Mercedes-Benz, permettant de lâcher le volant et de détourner le regard de la route, n’est actuellement autorisé qu’en Californie et au Nevada, sous certaines conditions.
L’impact sur l’industrie du transport routier
L’automatisation du transport routier soulève des questions quant à l’avenir des emplois dans ce secteur. Le transport routier aux États-Unis a généré 987 milliards de dollars de revenus bruts de fret rien que l’année dernière. A titre de comparaison, le transport routier a généré environ 50 milliards d’euros en France et environ 500 milliards d’euros à l’échelle européenne.
Bien que l’automatisation puisse sembler menaçante pour les emplois de chauffeurs, l’industrie fait face à une pénurie de conducteurs depuis des années.
Urmson se montre rassurant : “Mon attente est que si vous conduisez un camion aujourd’hui et que vous voulez prendre votre retraite en conduisant un camion, vous allez pouvoir le faire. Mais entre-temps, nous allons voir davantage d’automatisation venir soutenir l’industrie logistique et, au fil du temps, il y aura de moins en moins de personnes qui feront réellement ce travail.”
Actuellement, Aurora effectue des tests aux Etats-Unis sur des itinéraires tels que Dallas-Houston et Fort Worth-El Paso, couvrant des centaines de kilomètres. Bien que des superviseurs humains soient présents, Urmson affirme que “presque tout le temps, ils conduisent d’eux-mêmes”.
Cette avancée est significative car elle pourrait non seulement faire progresser la technologie des véhicules autonomes, mais aussi contribuer à maintenir l’efficacité de la chaîne logistique américaine, cruciale pour l’économie.
L’aventure des camions autonomes ne fait que commencer. Malgré les défis techniques et réglementaires, les progrès réalisés par des entreprises comme Aurora laissent entrevoir un futur où le transport de marchandises sera plus efficace et sûr. Cette révolution silencieuse pourrait bien remodeler en profondeur notre façon de concevoir le transport routier, avec des implications majeures pour l’économie et la société dans son ensemble.
Rédigé par Philippe Moureau
Quadragénaire passionné de voitures électriques. Je m'intéresse à la transition énergétique et à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Je suis un véritable passionné de voitures électriques et un défenseur de l'environnement.
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