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Quand Trump sème le doute : l’industrie automobile canadienne à la croisée des chemins

Philippe Moureau

L’industrie automobile canadienne se trouve à un tournant crucial. Avec plus de 50 milliards de dollars d’investissements dans le secteur des véhicules électriques ces trois dernières années, le pays misait sur une demande croissante en provenance des États-Unis. Cependant, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait bouleverser ces projets et mettre en péril des décennies de collaboration transfrontalière dans l’industrie automobile.

L’interdépendance économique Canada-États-Unis mise à l’épreuve

L’économie canadienne est profondément liée à celle de son voisin du sud, particulièrement dans le secteur automobile. Flavio Volpe, président de l’Association des fabricants de pièces automobiles, souligne cette réalité :

  • La moitié des véhicules fabriqués au Canada le sont par des entreprises américaines
  • Une rupture dans les accords commerciaux affecterait non seulement les constructeurs canadiens mais aussi les géants américains comme General Motors, Ford et Stellantis

Cette interdépendance place le Canada dans une position délicate face aux potentielles politiques protectionnistes de Trump. Une taxe de 10% sur les importations aux États-Unis pourrait amputer le PIB canadien de plusieurs milliards de dollars, avec un impact particulièrement sévère sur le secteur automobile.

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Les enjeux pour l’industrie des véhicules électriques

Le retour de Trump à la présidence soulève de nombreuses inquiétudes quant à l’avenir de l’industrie des véhicules électriques au Canada. Ses positions sur le sujet sont claires :

  • Une volonté affichée d’abroger l’Inflation Reduction Act, qui a stimulé les investissements dans la chaîne d’approvisionnement des batteries
  • La menace d’imposer des tarifs allant jusqu’à 200% sur les véhicules fabriqués au Mexique
  • Une probable augmentation des taxes sur les importations en provenance d’Europe, de Chine et d’autres pays

Ces mesures pourraient sérieusement compromettre la stratégie canadienne axée sur l’exportation de véhicules électriques vers les États-Unis. Les constructeurs canadiens et américains implantés au Canada se retrouveraient dans une situation précaire, forcés de revoir leurs plans d’investissement et de production.

L’influence d’Elon Musk : un facteur à ne pas négliger

Un élément clé dans cette équation complexe est le rôle potentiel d’Elon Musk et son influence sur le président Trump. Tesla, Lucid, Rivian et LG, tous acteurs majeurs du secteur des véhicules électriques aux États-Unis, ont déjà exprimé leur volonté de collaborer avec la nouvelle administration pour maintenir le cap sur le développement des technologies électriques.

Brendan Sweeney, directeur général du Trillium Network for Advanced Manufacturing, suggère que l’influence de Musk pourrait modérer les positions de Trump : “Il est possible que nous assistions à un effet modérateur, car un abandon complet des soutiens aux véhicules électriques rendrait la vie vraiment difficile pour Tesla.”

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Cette influence pourrait avoir des répercussions importantes pour des pays comme le Canada, potentiellement en atténuant certaines des mesures les plus radicales envisagées par Trump.

Les constructeurs automobiles face à l’incertitude

Les grands constructeurs automobiles américains – Ford, GM et Stellantis – ont une présence significative au Canada, employant des milliers de travailleurs syndiqués. Les décisions de Trump auront donc un impact non seulement sur ces entreprises mais aussi sur toute la chaîne de fournisseurs de pièces détachées.

Face à cette incertitude, certains acteurs commencent déjà à revoir leurs stratégies. BYD, le géant chinois de l’automobile électrique, a récemment décidé de suspendre ses projets d’implantation au Canada. Cette décision est probablement motivée par les tarifs fédéraux de 100% sur les véhicules électriques importés de Chine et par l’incertitude liée aux futures décisions américaines.

La stratégie canadienne pour l’avenir

Face à ces défis, le Canada cherche à renforcer sa position dans la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques. Brian Kingston, PDG de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules, souligne l’importance de développer l’exploitation minière des minéraux critiques sur le sol canadien. L’objectif est de réduire la dépendance vis-à-vis de la Chine et de démontrer aux États-Unis la capacité du Canada à être un partenaire fiable dans la production de véhicules électriques.

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Cette stratégie vise à positionner le Canada comme un acteur incontournable dans la transition vers l’électromobilité, malgré les turbulences politiques. Elle implique des investissements massifs dans l’extraction et le traitement des minéraux essentiels à la fabrication des batteries, ainsi que dans la formation d’une main-d’œuvre qualifiée.

L’avenir de l’industrie automobile électrique au Canada reste incertain, mais le pays semble déterminé à s’adapter aux nouvelles réalités géopolitiques et économiques. La capacité du Canada à naviguer dans ces eaux tumultueuses déterminera non seulement l’avenir de son industrie automobile, mais aussi sa place dans l’économie nord-américaine du 21e siècle.

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