Actu voiture électrique

Voitures électriques : le marché de la location face à un gros problème

Philippe Moureau

Le marché des voitures électriques connaît une évolution rapide en Europe, avec des changements significatifs dans le domaine de la location. Alors que les offres attractives se multipliaient ces dernières années, la situation pourrait bientôt changer drastiquement. Voici un aperçu des défis auxquels fait face le secteur de la location de véhicules électriques et les implications pour les consommateurs.

La fin des offres alléchantes ?

Jusqu’à récemment, il était courant de trouver des offres de location pour des voitures électriques neuves à moins de 300 euros par mois en Europe. Le début de l’année 2024 a même vu l’apparition du leasing social en France, permettant d’accéder à des véhicules électriques pour des mensualités parfois inférieures à 50 euros. Ces tarifs extrêmement bas étaient rendus possibles grâce à de généreuses subventions et à une politique agressive de la part des constructeurs et des sociétés de location.

Cependant, ce système semble de plus en plus difficile à maintenir. Les “captives” – les sociétés financières des constructeurs automobiles gérant les offres de location – commencent à revoir leurs tarifs à la hausse. Cette tendance s’explique par plusieurs facteurs :

  • La baisse de la valeur de revente des voitures électriques d’occasion
  • La réduction des subventions gouvernementales dans certains pays européens
  • L’incertitude quant à l’évolution du marché de l’électrique
A lire également :  Voitures électriques : Désormais, c'est la Chine qui veut garder ses secrets de fabrication

Un marché dominé par la location

Il est crucial de comprendre l’importance de la location dans le marché des voitures électriques en Europe. Selon les données de Transport & Environment et Dataforce :

  • 80% des voitures électriques neuves sont louées
  • 60% des nouvelles immatriculations de véhicules électriques concernent des flottes d’entreprise

Ces chiffres montrent à quel point le secteur de la location joue un rôle central dans l’adoption des véhicules électriques. Toute perturbation dans ce domaine pourrait donc avoir des répercussions majeures sur l’ensemble du marché.

Les risques pour les sociétés de location

Les sociétés de location font face à un défi de taille : la dépréciation rapide et imprévisible des voitures électriques. Lorsqu’elles établissent les mensualités de location, ces entreprises se basent sur une estimation de la valeur résiduelle du véhicule à la fin du contrat. Or, avec les voitures électriques, cette estimation s’avère de plus en plus difficile à réaliser.

Plusieurs facteurs contribuent à cette incertitude :

  • La baisse des prix des voitures électriques neuves, notamment chez Tesla
  • Les inquiétudes concernant l’infrastructure de recharge
  • Les questions sur la durée de vie des batteries
  • L’arrivée de modèles chinois plus abordables sur le marché européen

Ces éléments ont entraîné une baisse des prix des voitures électriques d’occasion en Europe depuis octobre 2022. Les sociétés de location se retrouvent ainsi avec des véhicules dont la valeur de revente est inférieure aux prévisions, générant des pertes financières.

A lire également :  BYD dépasse Honda et Nissan : La révolution électrique chinoise frappe fort

L’impact sur les consommateurs

Pour les consommateurs, les conséquences de cette situation se font déjà sentir. En Allemagne, par exemple, le coût mensuel de location d’une voiture électrique à 45 000 euros est passé de 284 euros en août 2021 à 621 euros aujourd’hui. Cette augmentation spectaculaire contraste avec la baisse du coût de location des véhicules thermiques sur la même période.

En France, bien que la hausse soit pour l’instant plus contenue grâce au maintien de subventions importantes, la tendance est également à l’augmentation des mensualités. Le leasing social, qui sera reconduit en 2025 avec un nombre limité de dossiers, pourrait temporairement atténuer cette hausse pour certains consommateurs éligibles.

Les stratégies d’adaptation des loueurs

Face à ces défis, les sociétés de location adoptent de nouvelles stratégies :

  • Allongement des durées de location : certaines entreprises comme Ayvens envisagent de conserver les véhicules électriques jusqu’à 8 ans dans leur flotte
  • Location sur deux cycles : les véhicules sont loués successivement à différents clients avant d’être revendus
  • Augmentation des tarifs pour intégrer le risque lié à la valeur résiduelle

Ces adaptations visent à réduire l’exposition financière des loueurs aux fluctuations du marché de l’occasion. Cependant, elles se traduisent inévitablement par une hausse des coûts pour les clients.

Les enjeux pour la transition écologique

L’évolution du marché de la location de voitures électriques soulève des questions cruciales pour la transition écologique du secteur automobile. D’un côté, les autorités européennes souhaitent accélérer l’adoption des véhicules électriques, notamment au sein des flottes d’entreprises. L’association Transport & Environment plaide même pour que la Commission européenne impose aux grandes flottes de n’acheter que des voitures 100% électriques d’ici 2030.

A lire également :  Dans ce pays, on vous paie pour vous débarrasser de votre voiture essence

De l’autre, les sociétés de location mettent en garde contre les risques d’une électrification trop rapide. Tim Albertsen, PDG d’Ayvens, affirme que si on les pousse trop fort vers l’électrification, ses actionnaires pourraient décider de se retirer du marché, faute de vouloir prendre des risques excessifs.

Le dilemme est le suivant : comment encourager l’adoption des véhicules électriques sans déstabiliser le marché de la location, qui joue un rôle clé dans cette transition ? La solution passera probablement par un équilibre subtil entre incitations, régulations et adaptation progressive du secteur.

En conclusion, le marché de la location de voitures électriques en Europe se trouve à un tournant. Les offres extrêmement avantageuses des dernières années semblent vouées à disparaître, remplacées par des tarifs plus élevés reflétant les risques réels du marché. Pour les consommateurs, cela signifie que l’accès aux véhicules électriques pourrait devenir plus coûteux à court terme. Cependant, cette évolution pourrait aussi contribuer à assainir le marché et à le rendre plus durable sur le long terme. L’enjeu pour les autorités et les acteurs du secteur sera de gérer cette transition de manière à ne pas freiner l’adoption des véhicules électriques, essentielle pour atteindre les objectifs climatiques européens.

Réagissez à l'article
S’abonner
Notification pour
guest

1 Commentaire
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires