Actu voiture électrique

Voiture électrique : Pourquoi la moitié des batteries made in France partent à la poubelle ?

Alexandra Dujonc

La production de batteries pour voitures électriques en France est un enjeu majeur pour l’industrie automobile européenne. Pourtant, le chemin vers une fabrication à grande échelle est semé d’embûches, comme en témoigne le cas de l’usine ACC de Douvrin. Plongeons dans les coulisses de cette gigafactory française et découvrons les défis auxquels elle fait face.

Un démarrage difficile pour ACC

Automotive Cells Company (ACC), née de l’alliance entre Stellantis, Mercedes et TotalEnergies-Saft, a inauguré sa première usine française en mai 2023. Cependant, plus d’un an après le lancement de la production, la situation est loin d’être idéale. Selon des informations révélées par France Inter, près d’une cellule de batterie sur deux finit au rebut.

Ce taux de rejet élevé illustre les difficultés rencontrées par ACC pour maîtriser la technologie de fabrication des batteries à l’échelle industrielle. Matthieu Hubert, secrétaire général d’ACC, reconnaît ces défis : “On a forcément des taux de rejet élevés, mais qui tendent à s’améliorer au fur et à mesure de l’apprentissage.”

Il est important de comprendre que la production de batteries est un processus complexe, nécessitant une expertise pointue. Les concurrents asiatiques, avec plus de 10 ans d’expérience, ont un avantage certain. ACC, elle, n’a que 4 ans d’existence et doit rattraper ce retard technologique tout en montant en puissance.

A lire également :  Conduite autonome : Les anciennes Tesla ne sont pas laissées de côté

Les enjeux technologiques : du NMC au LFP

ACC fait face à un défi supplémentaire : la nécessité de maîtriser rapidement une nouvelle technologie de batteries. Actuellement focalisée sur la production de cellules NMC (Nickel Manganèse Cobalt), l’entreprise doit également se lancer dans la fabrication de batteries LFP (Lithium Fer Phosphate).

Cette transition est cruciale pour plusieurs raisons :

  • Les batteries LFP sont moins chères à produire
  • Elles sont essentielles pour équiper les véhicules électriques d’entrée de gamme de Stellantis
  • Cette évolution est nécessaire pour maintenir la compétitivité d’ACC face aux fabricants asiatiques

Cependant, passer du NMC au LFP n’est pas une mince affaire. C’est presque comme repartir de zéro en termes de production industrielle. ACC doit donc relever ce nouveau défi tout en continuant à améliorer ses processus actuels.

Un projet revu à la baisse

Face à ces difficultés, ACC a dû revoir ses ambitions initiales. L’usine de Douvrin, initialement prévue pour se développer en 4 phases, voit son projet se réduire considérablement. Régis Scheenaerts, secrétaire général de la CGT Stellantis Douvrin, dresse un constat sans appel : “C’est un gros projet qui se dégonfle comme un ballon de baudruche. Il devait y avoir 4 blocs : le quatrième a été abandonné dès le début, ils ne parlent plus du troisième, et tant que le premier bloc ne fonctionne pas correctement, le deuxième bloc ne sera pas mis en route.”

A lire également :  Les conducteurs de voitures électriques sont déçus par les marques françaises

Cette révision à la baisse a des répercussions au-delà de l’usine de Douvrin. Les projets d’usines ACC en Allemagne et en Italie sont actuellement en pause, malgré les pressions du gouvernement italien pour l’ouverture d’un site dans le pays.

Les conséquences pour Stellantis

Les difficultés d’ACC ont un impact direct sur les plans de Stellantis. Les batteries NMC produites par l’usine française devaient équiper les Peugeot e-3008 et e-5008. Cependant, face aux retards de production, le constructeur a dû se tourner vers le fabricant chinois BYD pour fournir les batteries de ces modèles.

Ce recours à un fournisseur étranger est un revers pour la stratégie de Stellantis, qui visait à équiper ses véhicules de batteries “made in France”. C’est également un coup dur pour l’ambition européenne de réduire sa dépendance vis-à-vis des fabricants asiatiques.

Les perspectives d’avenir

Malgré ces défis, l’aventure ACC n’est pas terminée. L’entreprise continue d’apprendre et d’améliorer ses processus. La transition vers la technologie LFP pourrait même représenter une opportunité de rebond.

Pour ACC et Stellantis, les enjeux sont cruciaux :

  • Réussir à maîtriser la production de cellules LFP pour équiper les véhicules d’entrée de gamme
  • Améliorer les taux de rendement pour atteindre une production viable économiquement
  • Tenir les délais pour équiper les futurs modèles électriques de Stellantis avec des batteries “made in France”
A lire également :  Voitures électriques : une stratégie qui va coûter très cher aux constructeurs

L’industrie automobile européenne tout entière observe avec attention l’évolution d’ACC. La réussite de ce projet est cruciale pour l’avenir de la filière électrique en Europe et pour la compétitivité des constructeurs face aux géants asiatiques.

La route vers une production de batteries à grande échelle en France est encore longue et semée d’embûches. Mais c’est un passage obligé pour garantir l’indépendance technologique de l’Europe dans le domaine des voitures électriques. Les prochains mois seront décisifs pour ACC et pour l’avenir de la “vallée de la batterie” française.

Réagissez à l'article
S’abonner
Notification pour
guest

8 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires