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Voitures électrifiées : l’astuce des constructeurs pour afficher des consommations irréalistes

Philippe Moureau

Aujourd’hui, nous souhaitons discuter d’un phénomène intriguant concernant les voitures hybrides rechargeables principalement. Ces véhicules, qui combinent un moteur thermique et un moteur électrique, sont de plus en plus présents sur nos routes. Mais saviez-vous que leurs performances annoncées sont souvent bien loin de la réalité ?

L’autonomie électrique en constante augmentation

Les constructeurs automobiles ne cessent de repousser les limites de l’autonomie électrique de leurs modèles hybrides rechargeables. Prenons l’exemple de la nouvelle Skoda Superb iV, capable de parcourir jusqu’à 135 kilomètres en mode 100% électrique selon le cycle WLTP. C’est plus du double de l’autonomie de la génération précédente, qui se limitait à 56 kilomètres. Comment expliquer une telle progression ?

La réponse se trouve dans la taille des batteries. La Superb iV embarque désormais une batterie de 25,7 kWh, soit deux fois plus que son prédécesseur. Cette capacité se rapproche de celle de certaines voitures 100% électriques, comme la Dacia Spring et ses 26,8 kWh. D’autres modèles suivent cette tendance :

  • Le SUV MG HS, avec une autonomie électrique de 121 kilomètres
  • Le nouveau Renault Rafale, capable de parcourir 100 kilomètres sans utiliser son moteur thermique
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Ces chiffres impressionnants soulèvent néanmoins une question : pourquoi une telle course à l’autonomie pour des véhicules hybrides ?

Une réglementation européenne détournée

La réponse à cette question se trouve du côté de Bruxelles. En effet, la réglementation européenne actuelle part du principe qu’une voiture hybride rechargeable roule entre 70 et 85% du temps en mode électrique. Cette estimation est malheureusement très éloignée de la réalité.

L’ONG Transport & Environment a mené une étude révélant que le pourcentage réel d’utilisation en mode électrique se situe plutôt entre 11 et 15%, en incluant les flottes professionnelles. Comment expliquer un tel écart ? Tout simplement parce que de nombreux conducteurs ne prennent pas la peine de recharger régulièrement leur véhicule.

Cette situation a des conséquences importantes sur les émissions de CO2 et la consommation de carburant. Un rapport de la Commission Européenne a mis en lumière que les voitures hybrides rechargeables consomment et émettent en réalité 3,5 fois plus de CO2 que les valeurs annoncées lors de l’homologation.

L’astuce des constructeurs pour contourner la réglementation

Face à ce constat, les constructeurs automobiles ont trouvé une parade astucieuse. En augmentant la capacité des batteries, ils permettent aux conducteurs de rouler plus longtemps en mode électrique, même s’ils ne rechargent pas régulièrement leur véhicule. Cette stratégie a deux avantages majeurs pour les marques :

  • Elle améliore les chiffres d’émissions et de consommation “officiels” de leurs modèles
  • Elle leur permet de continuer à vendre des hybrides rechargeables, une technologie encore très appréciée des consommateurs
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En effet, les immatriculations de véhicules hybrides rechargeables ont encore très largement augmenté depuis le début de l’année 2024 face à l’année précédente. Ces chiffres montrent que cette motorisation a encore de beaux jours devant elle, malgré la volonté de Bruxelles de l’interdire à partir de 2035.

Les limites de cette approche

Si cette stratégie peut sembler séduisante sur le papier, elle soulève néanmoins plusieurs problèmes. Tout d’abord, elle ne résout pas le problème de fond : l’utilisation réelle des véhicules hybrides rechargeables. En effet, tant que les conducteurs ne prendront pas l’habitude de recharger régulièrement leur véhicule, les émissions de CO2 resteront bien supérieures aux valeurs annoncées.

De plus, l’augmentation de la taille des batteries a un impact non négligeable sur le poids des véhicules. Or, un véhicule plus lourd consomme davantage d’énergie, qu’elle soit électrique ou thermique. On se retrouve donc dans un cercle vicieux où l’amélioration de l’autonomie électrique peut paradoxalement conduire à une augmentation de la consommation globale.

Enfin, cette approche pose la question de la pertinence même des véhicules hybrides rechargeables. Si leur autonomie électrique se rapproche de celle des voitures 100% électriques, pourquoi ne pas opter directement pour ces dernières ? C’est d’ailleurs la direction que semblent prendre de nombreux constructeurs, qui investissent massivement dans le développement de modèles entièrement électriques.

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Vers une évolution de la réglementation ?

Face à ces constats, il est légitime de se demander si la réglementation européenne ne devrait pas évoluer. Plusieurs pistes sont envisageables :

  • Revoir à la baisse le pourcentage estimé d’utilisation en mode électrique
  • Imposer des tests en conditions réelles d’utilisation
  • Mettre en place des incitations à la recharge régulière des véhicules hybrides

Ces mesures permettraient d’obtenir des chiffres de consommation et d’émissions plus proches de la réalité, et donc de mieux informer les consommateurs.

En attendant une éventuelle évolution de la réglementation, il est important que vous, en tant que conducteur d’un véhicule hybride rechargeable, soyez conscient de ces enjeux. Recharger régulièrement votre véhicule n’est pas seulement bénéfique pour votre portefeuille, c’est aussi un geste important pour l’environnement.

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