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Les batteries françaises pour voitures électriques, ce n’est pas pour tout de suite

Philippe Moureau

Le projet d’usine de batteries semi-solides de ProLogium près de Dunkerque vient d’être officiellement repoussé. Alors que le permis de construire a été obtenu début 2025, la direction vient d’annoncer que la production ne démarrera finalement qu’au premier semestre 2028, soit un an plus tard que prévu initialement. Une nouvelle qui suscite des questions sur l’avenir de cette technologie prometteuse en France, dans un contexte où plusieurs gigafactories tentent de s’implanter dans la région.

Un retard stratégique face à un marché en mutation

Le fabricant taïwanais ProLogium, bien qu’ayant obtenu son permis de construire dès le début 2025, n’a toujours pas lancé les travaux de construction. Calvin Hsieh, directeur de la future usine, a confirmé que le démarrage du chantier est désormais prévu pour début 2026. Pascal Cerruti, directeur des affaires publiques, a tenu à rassurer les investisseurs : “Le projet reste le même. C’est juste le processus qui est un peu plus rationalisé, adapté aux conditions du marché.”

Cette prudence n’est pas anodine. La récente faillite de Northvolt, entreprise suédoise spécialisée dans les batteries pour véhicules électriques, a marqué les esprits. Le marché des voitures électriques n’a pas connu la croissance exponentielle anticipée il y a quelques années, poussant les acteurs du secteur à revoir leurs plans d’investissement. Dans ce contexte incertain, ProLogium adopte visiblement une approche plus mesurée.

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La course technologique vers la batterie solide

Derrière ce retard se cache également une réalité technologique. ProLogium n’est pas simplement en train de construire une usine – l’entreprise est engagée dans une véritable course à l’innovation. Actuellement, sa technologie phare reste la batterie semi-solide, qui utilise :

  • Des accumulateurs céramiques au lithium
  • Une cathode NMC (nickel-manganèse-cobalt)
  • Une anode en silicium
  • Un électrolyte à base d’oxydes céramiques contenant encore 10% de gel liquide

C’est précisément cette dernière caractéristique qui empêche de qualifier leurs batteries de “solides” à 100%. Mais la R&D de ProLogium travaille activement pour éliminer cette portion liquide, ce qui représenterait une avancée majeure pour le secteur.

Le constructeur estime qu’entre un quart et un tiers des machines prévues initialement devront être modifiées pour s’adapter à ces nouvelles technologies. Lancer la construction maintenant risquerait de créer une usine déjà obsolète avant même sa mise en service.

La “Batterie Valley” française freinée dans son élan

Le nord de la France ambitionne de devenir un hub majeur de production de batteries en Europe. Outre ProLogium, trois autres acteurs clés y développent leurs infrastructures :

FabricantTechnologieAvancement
ACCBatteries lithium-ionEn construction
VerkorBatteries haute performanceDéveloppement en cours
EnvisionBatteries pour véhicules électriquesPlanification avancée
ProLogiumBatteries semi-solidesRetardé à 2028

Ce retard de ProLogium pourrait affecter la dynamique collective souhaitée pour créer un véritable écosystème industriel dans la région. La synergie entre ces différents acteurs était l’un des arguments forts pour attirer fournisseurs et sous-traitants dans cette “Batterie Valley” française.

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Les implications pour l’industrie automobile européenne

Ce report soulève des questions sur l’approvisionnement en batteries de nouvelle génération pour les constructeurs européens. Les batteries semi-solides puis solides représentent l’avenir du secteur, avec des avantages considérables :

  • Densité énergétique supérieure permettant une autonomie accrue
  • Temps de recharge réduits
  • Sécurité améliorée avec un risque d’emballement thermique quasi nul
  • Durabilité prolongée avec davantage de cycles de charge/décharge

Pour les constructeurs qui misent sur ces avancées pour leurs modèles de voitures électriques de fin de décennie, ce retard pourrait nécessiter de revoir leurs calendriers ou de chercher d’autres fournisseurs.

Un pari sur l’avenir plutôt qu’une course à la production

Si ce retard peut sembler préoccupant, il traduit également une vision à long terme de ProLogium. Plutôt que de précipiter la construction d’une usine qui nécessiterait d’importantes modifications peu après son ouverture, l’entreprise préfère attendre que sa technologie atteigne un niveau de maturité suffisant.

Le projet de gigafactory à Dunkerque reste ambitieux, avec un investissement initial estimé à 5,2 milliards d’euros et la création potentielle de 3 000 emplois directs. En privilégiant la qualité technologique à la rapidité d’exécution, ProLogium fait le pari que sa batterie solide sera suffisamment différenciante pour justifier cette attente.

En attendant 2028, la course technologique continue en coulisses. Et si les bulldozers ne sont pas encore à l’œuvre à Dunkerque, les laboratoires de ProLogium, eux, fonctionnent à plein régime pour tenir la promesse des batteries solides – cette technologie que beaucoup considèrent comme le Saint Graal de la mobilité électrique.

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