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Cette brillante invention de 1900 n’équipe toujours pas nos voitures électriques

Albert Lecoq

Ferdinand Porsche avait déjà tout compris en 1900. Sa Lohner-Porsche intégrait des moteurs électriques directement dans les moyeux des roues, créant le premier véhicule à traction intégrale de l’histoire. Cette technologie des moteurs-moyeux semblait prometteuse, et pourtant, plus d’un siècle plus tard, vous ne les retrouvez pratiquement sur aucune voiture électrique de série. Cette absence interpelle d’autant plus que les avantages théoriques paraissent considérables.

La question mérite d’être posée : si cette solution technique présente tant d’atouts sur le papier, pourquoi les constructeurs automobiles continuent-ils de l’éviter ? Entre promesses technologiques et réalités industrielles, les moteurs intégrés aux roues révèlent un paradoxe fascinant de l’industrie automobile moderne.

Le principe des moteurs-moyeux expliqué simplement

Contrairement aux moteurs électriques classiques positionnés sous le capot ou dans le plancher, les moteurs-moyeux s’installent directement à l’intérieur des roues. Cette intégration élimine d’un coup plusieurs composants mécaniques traditionnels : arbres de transmission, différentiels, et une grande partie de la transmission. La puissance se transmet directement à chaque roue, sans intermédiaire.

Cette configuration offre une flexibilité architecturale remarquable. Sur une même plateforme, vous pourriez théoriquement obtenir une version traction avant avec deux moteurs-moyeux, une propulsion arrière, ou encore une transmission intégrale avec quatre unités. Les constructeurs pourraient ainsi diversifier leurs gammes sans repenser entièrement leurs châssis, réduisant les coûts de développement.

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Des avantages théoriques impressionnants

L’efficacité énergétique constitue l’argument le plus convaincant. Dans un système traditionnel, chaque étape de transmission génère des pertes mécaniques : engrenages, différentiels, cardans… Ces pertes peuvent représenter entre 10 et 15% de la puissance totale. Les moteurs-moyeux éliminent ces intermédiaires, maximisant l’énergie délivrée aux roues.

Le contrôle de la motricité atteint également un niveau de précision inégalé. Chaque roue disposant de son propre moteur, la gestion du couple devient millimétrique. Imaginez pouvoir moduler instantanément la puissance de chaque roue selon les conditions d’adhérence, ou même créer des effets de vectorisation de couple pour améliorer l’agilité en virage.

  • Transmission directe sans pertes mécaniques
  • Contrôle individuel du couple par roue
  • Simplification de l’architecture du véhicule
  • Modularité accrue des plateformes
  • Libération d’espace pour les batteries

Les défis techniques qui freinent l’adoption

La masse non suspendue représente l’obstacle principal. Ajouter plusieurs kilogrammes dans chaque roue dégrade considérablement le comportement des suspensions. Les roues deviennent moins réactives aux irrégularités de la route, impactant directement le confort de conduite et l’adhérence. Cette masse supplémentaire sollicite également davantage les amortisseurs et les ressorts, accélérant leur usure.

L’exposition aux éléments constitue un autre défi majeur. Contrairement aux moteurs protégés dans l’habitacle, les moteurs-moyeux subissent directement les projections d’eau, de sel, de graviers. Ils encaissent également tous les chocs transmis par les roues : nids-de-poule, bordures, obstacles divers. Cette exposition compromet leur durabilité et complique la maintenance.

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Le refroidissement pose également problème. Les moteurs électriques génèrent de la chaleur, particulièrement lors d’accélérations soutenues. Dissiper cette chaleur dans l’espace confiné d’une roue nécessite des solutions d’ingénierie complexes : ventilation forcée, jantes spéciales, circuits de refroidissement dédiés.

Solutions émergentes et projets concrets

Renault franchit le pas avec sa future R5 Turbo 3E, qui intégrera deux moteurs-moyeux aux roues arrière. Chaque unité développera 268 chevaux, soit une puissance combinée de 536 chevaux. Ce projet démonstrateur permettra de tester la technologie en conditions réelles et d’évaluer sa viabilité commerciale.

Hyundai développe de son côté le projet Uni Wheel, visant une application plus large. Le constructeur coréen mise sur cette technologie pour optimiser l’habitabilité de ses futurs véhicules électriques, en libérant l’espace normalement occupé par les transmissions.

ConstructeurProjetPuissanceApplication
RenaultR5 Turbo 3E536 chSportive électrique
HyundaiUni WheelVariableGamme élargie
Neapco/ElapheSuperBearNon communiquéeVéhicules utilitaires

Le marché commercial ouvre la voie

Les véhicules utilitaires pourraient bien démocratiser cette technologie. Neapco, associé à Elaphe, a conçu le SuperBear, un moteur-moyeu destiné aux véhicules de livraison urbaine. Ce système intègre une boîte de vitesses à deux rapports et reste compatible avec des jantes standard, facilitant son adoption.

Cette approche pragmatique contourne plusieurs écueils. Les utilitaires de livraison évoluent à vitesse réduite, limitant la problématique de refroidissement. Leur usage professionnel justifie également un surcoût initial, amorti par les gains d’efficacité énergétique et la réduction des coûts de maintenance mécanique.

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L’échec du Lordstown Endurance illustre néanmoins les risques. Ce pick-up électrique américain promettait quatre moteurs-moyeux et un prolongateur d’autonomie, mais n’a jamais atteint la commercialisation en raison de difficultés industrielles et financières. L’ambition technologique ne suffit pas sans une exécution industrielle maîtrisée.

La démocratisation des moteurs-moyeux dépendra finalement de la capacité d’un constructeur établi à proposer une solution fiable et économiquement viable. Les projets actuels de Renault et Hyundai pourraient constituer ce déclic, ouvrant enfin la voie à cette technologie centenaire qui n’attend que son heure pour transformer l’architecture des voitures électriques.

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