Sans la Chine, l’Europe peut-elle encore produire ses voitures électriques ?
La Commission européenne affiche ses ambitions : réduire drastiquement sa dépendance envers la Chine sur le marché des terres rares. […]
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Alors que BYD, Nio et Xpeng dominent l’actualité avec leurs impressionnants résultats commerciaux, d’autres constructeurs s’effondrent silencieusement dans l’ombre. C’est le cas de Neta, marque peu connue en Europe, qui semble avoir atteint un point de non-retour dans sa descente aux enfers.
La situation de Neta s’est dramatiquement détériorée ces derniers mois. Selon plusieurs médias spécialisés chinois, l’entreprise aurait pris la décision radicale de se séparer de la totalité de son département de recherche et développement. Un coup fatal pour une marque qui avait pourtant affiché des ambitions technologiques considérables.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur les 1700 employés que comptait la division R&D, près de 200 ont déjà quitté l’entreprise. Les autres font face à une situation financière catastrophique, avec des baisses de salaires initiées en octobre 2024 atteignant 50% des rémunérations initiales. Et comme si cela ne suffisait pas, ces salaires déjà amputés devraient encore être divisés par deux dans les semaines à venir.
Plus alarmant encore, les ventes se sont littéralement effondrées. Depuis le début de l’année, les immatriculations ont chuté de 98% par rapport à l’année précédente. En février, Neta n’a écoulé que 400 véhicules, un chiffre dérisoire comparé aux 205 711 voitures livrées par BYD sur la même période.
La situation financière de Neta est devenue intenable. L’entreprise croule sous une dette estimée à 10 milliards de yuans (1,3 milliard d’euros), un montant qui semble désormais impossible à rembourser face à l’effondrement des revenus.
Les conséquences sont visibles au quotidien. Les fournisseurs, fatigués d’attendre le règlement de factures impayées depuis des mois, ont commencé à manifester leur mécontentement de façon spectaculaire. Certains se sont même installés dans les locaux du siège social, y passant la nuit pour faire pression sur la direction.
Comment une entreprise qui semblait promise à un bel avenir a-t-elle pu s’effondrer aussi rapidement? Les tensions à la direction semblent avoir joué un rôle déterminant dans cette débâcle. Au cœur du problème, un conflit de vision entre deux hommes.
D’un côté, Zhang Yong, qui a dirigé l’entreprise avec une stratégie axée sur la performance et l’expansion internationale. De l’autre, Fang Yufong, fondateur de la marque, qui privilégiait une approche plus pragmatique, concentrée sur le développement technique et l’innovation.
Cette guerre des chefs a conduit à des décisions contradictoires et une absence de cap clair. Bien que Fang Yufong ait repris les rênes de l’entreprise en décembre 2024, il semble que cette intervention tardive n’ait pas suffi à redresser la barre d’un navire déjà en train de sombrer.
Parmi les victimes collatérales de cette débâcle figure la Neta S Wagon, un modèle qui s’annonçait révolutionnaire. Cette voiture électrique devait marquer les esprits avec une autonomie exceptionnelle de 1000 kilomètres, une caractéristique qui l’aurait positionnée comme l’une des références mondiales en la matière.
Le projet bénéficiait d’un partenariat prestigieux avec CATL, leader mondial des batteries pour véhicules électriques, qui avait développé spécifiquement le châssis de ce modèle. Cette collaboration laissait présager une voiture alliant performance, autonomie et technologies de pointe.
| Caractéristique | Neta S Wagon | Concurrence moyenne |
|---|---|---|
| Autonomie annoncée | 1000 km | 450-600 km |
| Technologie du châssis | Développé par CATL | Développement interne |
| Statut actuel | Projet compromis | En production |
Malheureusement, les probabilités de voir un jour ce modèle sur les routes s’amenuisent de jour en jour. La Neta S Wagon, qui aurait pu être un symbole de l’innovation chinoise dans le domaine des voitures électriques, risque de rester à l’état de prototype, victime des déboires financiers de son constructeur.
La situation de Neta illustre parfaitement la brutalité du marché automobile électrique chinois. Dans ce pays qui compte plus de 130 marques de véhicules électriques, la concurrence est féroce et les exigences en termes d’investissement sont colossales.
Derrière les success stories médiatisées se cachent des dizaines d’échecs. La Chine est devenue un véritable laboratoire darwinien où seuls les constructeurs disposant d’une solide assise financière, d’une stratégie claire et d’une capacité d’innovation constante peuvent espérer survivre.
Ce phénomène de consolidation est d’ailleurs amplifié par les politiques gouvernementales qui, après avoir fortement encouragé l’émergence de nombreux acteurs, poussent désormais à une rationalisation du secteur. Les subventions se font plus sélectives et les exigences réglementaires plus strictes.
L’effondrement de Neta n’est pas seulement l’histoire d’une entreprise en difficulté, c’est aussi un révélateur des dynamiques qui façonnent l’industrie automobile électrique mondiale.
Premièrement, la technologie seule ne suffit pas. Disposer d’une voiture prometteuse comme la Neta S Wagon avec ses 1000 km d’autonomie n’est qu’une partie de l’équation. Sans une structure financière solide et une stratégie commerciale cohérente, les promesses technologiques restent lettre morte.
Deuxièmement, la présence internationale devient cruciale. Les constructeurs chinois qui réussissent sont ceux qui ont rapidement cherché à s’implanter sur les marchés étrangers pour diversifier leurs sources de revenus. La stratégie de Neta, trop focalisée sur son marché domestique, l’a rendue vulnérable aux fluctuations locales.
Enfin, la gouvernance d’entreprise joue un rôle déterminant. Le conflit entre Zhang Yong et Fang Yufong illustre parfaitement comment des désaccords stratégiques au sommet peuvent paralyser toute une organisation et conduire à sa perte.
Alors que l’électrification du parc automobile mondial s’accélère, l’histoire de Neta restera comme un avertissement: dans l’univers impitoyable de la mobilité électrique, les ambitions démesurées ne suffisent pas à garantir la survie. La route vers le succès est semée d’embûches, et seuls les constructeurs alliant vision, pragmatisme et solidité financière pourront espérer la parcourir jusqu’au bout.
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